Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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LE BATON ET LES BAGUETTES DU GANTIER
Categories: Bâton comme outil

 

La fabrication des gants de peau (agneau ou chevreau) nécessitait de nombreuses opérations à l’époque où cet accessoire vestimentaire était signe d’élégance masculine autant que féminine. Dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (1778) on rencontre le terme de « bâton à gant », qui est définit ainsi :
« BATON A GANT, autrement RETOURNOIR, OU TOURNE-GANT, est un morceau de bois fait en forme de fuseau long, dont les gantiers se servent dans la fabrique de leurs gants. Ils sont ordinairement doubles quand on s’en sert. » (voir la gravure de l’Encyclopédie, qui est accompagnée d’un troisième instrument appelé « demoiselle ».)
L’Encyclopédie poursuit : « Bâtonner un gant, ou réformer un gant, c’est après l’avoir fini, l’élargir sur le réformoir avec des bâtons faits exprès, et appelés « bâtons à gant », afin de lui donner plus de forme. »
Mais cela ne nous indique pas quels étaient les dimensions et l’usage exact de cet instrument. D’autres ouvrages nous les apprennent.
Le Dictionnaire technologique ou nouveau dictionnaire universel des arts et métiers, de 1827 (tome 10, entrée « gantier », p. 42) nous indique que :
« Lorsqu’ils sont rentrés, on les livre au « dresseur », qui, après leur avoir donné l’humidité nécessaire, les « renforme », c’est-à-dire les ouvre (…). Cette opération se fait à l’aide de deux baguettes en forme de fuseau, de six décimètres et demi (2 pieds environ) de longueur, minces et arrondies par le bout qui entre dans les doigts du gant, en grossissant de vingt-sept millimètres (un pouce) dans leur milieu, et diminuant peu à peu vers l’autre extrémité, que l’ouvrier tient dans la main. Cet instrument se nomme « tourne-gant » ou « renformoir ».
L’ouvrier passe ces deux baguettes, tour à tour, dans chaque doigt, les serre dans ses mains, ce qui fait l’effet du levier ; il place ensuite successivement ces deux baguettes sur la « demoiselle », pour ouvrir le bras du gant. » (la demoiselle est formée de billes de bois de diamètre décroissant).
Nous voilà donc fixés sur les dimensions de l’instrument : environ 60 cm sur 2,7 cm en son plus large diamètre. Le « bâton à gant », en 1827, ne se nommait plus ainsi mais avait conservé son autre nom de « tourne gant ». Le mot « retournoir » semble avoir aussi cédé la place à celui de « renformoir ».
Un siècle plus tard, C. TOULOUSE, dans le Manuel de ganterie (Ed. Baillière, 1927) nous montre que l’outil et son usage étaient restés les mêmes, mais il nous apprend que l’instrument a encore changé de nom et il nous fait découvrir une autre sorte de bâtonnet, le « rouleau » (p. 372-373) :
« Le dresseur de gants a comme outils des baguettes et un rouleau. Les baguettes ressemblent à des fuseaux dont la grosseur se trouve vers le tiers de la longueur. L’ouvrier les introduit en partie dans le gant, presse sur les gros bouts pour écarter les extrémités effilées et le gant est mis au large sous l’effet de ce second baguettage. » (nous verrons plus bas pourquoi l’auteur parle de « second baguettage »).
Vient ensuite l’emploi du rouleau : « Pour effacer les plis, il place le gant sur la table et le lisse avec la main. pour tasser les coutures, il se sert du rouleau, sorte de fuseau gros vers le milieu et dont les extrémités sont de même forme et de même grosseur. En faisant rouler l’outil sous sa main sur tout le long des coutures, il les lamine en quelque sorte et établit le gant dans sa forme définitive. »
Mais ce n’est pas tout en matière de bâton, ou plutôt de baguette. Toulouse a évoqué le « baguettage » intervenu préalablement au dressage. Voici de quoi il s’agissait (p. 360-361):
« Baguettage ou fusage. Le véritable baguettage, ou fusage, a lieu à la fabrique. Une contremaîtresse a pour mission de s’assurer que des points n’ont pas « sauté », que tous les coups d’aiguille ont porté, que les coutures peuvent résister à un effort assez sérieux exercé sur elles. (…) Pour contrôler plus aisément les coutures, l’employée recourt au « fuseau », ou « baguettes ». Cet instrument comprend deux baguettes articulées pour former levier ; les bouts effilés s’écartent si l’on exerce une pression sur les autres qui servent de poignées. Un ressort à boudin ou une simple lame métallique et élastique, en tenant les poignées écartées, fait que les longs bras se touchent à l’état de repos. L’ouvrière introduit le fuseau dans le gant et, successivement, dans chaque doigt. En serrant les poignées, les pointes s’écartent, étandant un peu les coutures et en permettant la vérification. Si les fils résistent, le gant résistera aussi lors de l’introduction de la main et des doigts. »
Qui aurait pensé qu’un gant, avant de se poser sur le pommeau d’une canne, était entré en contact avec tant de bâtons ?
Article rédigé par Laurent Bastard. Merci :)
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1 Comment to “LE BATON ET LES BAGUETTES DU GANTIER”

  1. [...] jours d’utilisation ? Les gants créés « à la va-vite » n’ont probablement pas subi le baguettage. Il s’agit d’une opération de contrôle qui consiste à enfoncer un écarteur dans chacun des [...]

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