Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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QUI ETAIT FANFAN LE BATONNISTE ? (1)

Fanfan le bâtonniste : ce nom ne nous est pas inconnu, car nous l’avons déjà croisé deux fois sur ce blog. L’an dernier, le 28-06, lorsque nous avons reproduit la chanson comique de Ducray-Duminil : « Le réveillon de Fanfan le Bâtonniste », datée de 1809. L’auteur y évoquait le réveillon mouvementé dudit Fanfan et de son amie Margot, qui font du tapage et se retrouvent au violon.

La seconde, dans le texte de Théophile Gautier, daté de 1842, sur le maître de chausson, qui a été publié le 28-07-2010 : « Les maîtres bâtonnistes de Caen avaient de la célébrité avant la Révolution ; cette gloire s’abîma comme tant d’autres dans le gouffre de 93, et il faut sauter jusqu’à l’Empire et à la Restauration, pour trouver dans la mémoire des plus vieux maîtres les noms des rois primitifs qui constituent la dynastie de la savate. Fanfan est le Pharamond, le Romulus de cette histoire ; il représente la période héroïque et fabuleuse. »

Autant, à la lecture de la chanson, nous avions cru qu’il s’agissait d’un personnage imaginaire, autant, sous la plume de Théophile Gautier, il semblait qu’il s’agissait d’un authentique maître de chausson (savate) et bâtonniste.

Nous avons alors exploré les ressources du Net et voici les résultats de cette collecte. Autant le dire tout de suite, si le personnage réapparaît ici et là dans différents textes historiques et littéraires, il demeure mystérieux. Quand et où est-il né et décédé ? Quel était son vrai nom ? Il semble même que ce personnage soit devenu une sorte d’archétype, une célébrité qui a effacé sa véritable identité pour la postérité, d’autant qu’il s’agissait d’un individu n’appartenant pas à une classe qui laisse des traces dans les Annales de la grande Histoire. L’enquête n’est donc pas finie et si les lecteurs de cet article pouvaient identifier Fanfan le bâtonniste et lui restituer son identité, nous leur en serions reconnaissants.

Si la plus ancienne occurence est celle de Ducray-Duminil, en 1809, il faut attendre près de vingt ans pour découvrir celle-ci. Il s’agit d’une chanson de P. Emile DEBRAUX, d’Ancerville (Meuse), intitulée « La Ripopée ». Elle a été publiée en 1826 dans les « Chansons nationales nouvelles et autres » (p. 142-144) et comporte 6 couplets. Voici celui qui nous intéresse. Il met en scène un personnage nommé Laripopée qui s’adresse à Fanfan, et il est bien fait allusion à son bâton :

« Te souviens-tu, disait Laripopée,
Au chiffonnier qui ramassait son pain :
Te souviens-tu, qu’un jour à La Rapée,
Tu détournas un bâton de mon sein ?
Pour les jupons d’une femme un peu traître
A coups de poing nous avons combattu,
Je m’en souviens, tu m’as sauvé Bicêtre,
Mais toi, Fanfan, dis-moi, t’en souviens-tu ? »

Suivent plusieurs couplets où il est question de bagarres épiques au poing et à la savate, puis l’emploi du bâton par Fanfan est cité à nouveau :

« Te souviens-tu qu’une passementière,
Par un malin, nous fit pocher un oeil,
Et qu’il osa, quand nous fûmes par terre,
Sur nos débris marcher avec orgueil ?
Grave en ton coeur le nom du mirliflore,
Et s’il s’offrait à ton bâton pointu,
N’attends jamais que l’on te braille encore :
Dis-moi, Fanfan, dis-moi, t’en souviens-tu ? »

Trois ans plus tard, Henry GUILLOT publie dans le style poissard (argotique) cet ouvrage : « Le Cousin germain de Vadé contenant plusieurs rencontres de scènes poissardes, les lettres amoureuses d’un porteur d’eau de l’Arche-Marion, d’une fruitière de la place Maubert ; et suivies du déjeuner de la Rapée. A Paris, chez tous les marchands de nouveautés des piliers des Halles, 1829″.

Y figurent, p. 93-96, les 7 couplets du poème : « Grande bataille du casse-gueule de la Basse-Courtille, entre Fanfan, le Bâtonniste, et Jean-Louis, le maître en feu-de-file, à coups de savattes, le jour du Mardi-Gras ». Voici les vers qui dépeignent notre bâtonniste :

« Buvant bouteille, il faut voir comme
Y me r’bonn’tait, mais moi j’y dis :
J’mappelle Fanfan, mon fils, mon homme,
Et j’naim’ pas qu’on blague l’zamis ;
Chacun s’écriait : Pas possible ;
Comment, c’est lui qui s’nomme Fanfan ?
Y n’a pourtant pas l’air méchant ;
Oui, j’dis, j’sis Fanfan l’bâtonniste,
Qu’en r’montre à tous les malinots :
Dans l’bâton qui pass’ pour artiste,
Dam’ et j’dis qu’j'en pince aux oiseaux. »

Ces vers prouvent que Fanfan le bâtonniste avait une réputation de dur qui était connue même de ceux qui ne l’avaient jamais rencontré.

On retrouve notre Fanfan dans « Cricri et ses mitrons, petite parodie en vers et en cinq tableaux, d’une grande pièce » par MM. CARMOUCHE, JOUSLIN DE LA SALLE et DUPEUTY, représentée pour la première fois, à Paris, sur le théâtre des variétés, le 7 mars 1829. » L’extrait qui nous intéresse se trouve dans la scène I, p. XIV. Sont présents Chaudchard, Pair-ou-non, Luc et Pleureuse, qui sont les mitrons d’une boulangerie. Ils s’occupent à différents jeux, dont Luc et Chaudchard qui jouent du bâton :

« Chaudchard, achevant dans le fond un combat de bâton.
Une, deux, marches à moi, l’avant-bras détaché ; Prends garde au moulinet, feins de feindre… (Il lui donne un coup de bâton, et le jette à terre). Touché.
Luc :
Sensible à la leçon.
Chaudchard :
Je suis académiste,
Et je ne craindrais pas Fanfan le bâtoniste. »

A l’évidence, Fanfan était devenu la référence, l’as des as en matière de bâton, au point que les écrivains le citaient dans leurs oeuvres, parce qu’ils savaient que tout le monde saurait de qui il s’agissait.

L’année suivante, nouvelle citation dans « L’Epée, le bâton et le chausson, vaudeville en quatre tableaux par MM. BARTHELEMY, LHERIE et Léon de CERAN, représenté pour la première fois, à Paris, sur le théâtre des variétés, le 21 juin 1830″, Bruxelles, 1830.

Deux personnages, Gustave et Isidore, se rencontrent. Isidore dit à l’autre : « Vous m’avez enseigné l’épée, je vous inculquerai le bâton… Je suis ici dans mon centre… ça fait que nous serons quittes. Cabassol, des bâtons (…).
Scène V. Thomassin, maître d’armes, chantant : « En avant ; Fanfan l’bâtoniste, Puisque t’es artiste, En avant ! »

Dix-sept ans plus tard, Alexandre DUMAS se référeras encore à Fanfan dans son récit de voyage : « De Paris à Cadix » (1847), p. 176, à propos du dessinateur Desbarolles : « Il tire l’épée comme Grisier, le bâton comme Fanfan, la savate comme Lacour. »

Mais c’est en 1845 que Fanfan fut le héros central d’une pièce de théâtre dont nous parlerons lors du prochain article…

Article rédigé par Laurent Bastard. Merci :)

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