Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
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« VIVE LE BATON ! » PAR LOUIS WIHL (1864)

Voici un poème de Louis WIHL ((1807-1881) qui rend hommage au bâton, mais avec ironie.

Qui était cet auteur ? Il était né à Wevelinghoven, en Prusse rhénane, en 1807. Il fut un écrivain assez célèbre de son temps et se vouait au professorat. Mais étant juif, les autorités exigeaient sa conversion préalable pour qu’il puisse enseigner. Il partit donc en France. En 1848, comme dans une grande partie des Etats européens, éclatent des révolutions. Wihl retourne en Allemagne et s’engage dans la politique. Mais l’unité allemande ne se fait pas, la tentative d’instaurer une monarchie constitutionnelle ici, une république démocratique là, échoue et la Prusse écrase la révolution en 1849. Suit une période de réaction conservatrice qui contraint Wihl à s’exiler de nouveau en France. Il y enseigna l’allemand à Paris et peut-être à Grenoble. Il publia des poésies (dont le recueil « Le Mendiant pour la Pologne », d’où est extrait le poème qui suit), écrivit de nombreux articles littéraires et philosophiques. « Après une existence accidentée et malheureuse, nous dit sa notice nécrologique, mais supportée avec la sérénité du croyant, du philosophe et du poète, Louis Wihl est allé s’éteindre obscurément à Bruxelles, victime volontaire et de sa foi religieuse et de sa foi politique… » (d’après la notice nécrologique publiée dans « L’Univers israélite, journal des principes conservateurs du judaïsme », 1882, p . 316 – consultable via Google.livres).

Le poème « Le tambour » a été publié dans son recueil « Le Mendiant pour la Pologne ; poésies allemandes et françaises » en 1864, chez Michel Lévy frères. Il évoque la Pologne, qui n’existait pas alors comme Etat indépendant mais qui était sous domination de la Prusse et de la Russie. Ses tentatives d’indépendance s’étaient soldées par une répression féroce de la part de ces Etats autoritaires.
Le poème, écrit à la fois en allemand et en français, fait du bâton l’image de la répression. Les quatrains traduits ne respectent pas les rimes du texte allemand.
Le contenu de ce poème est quelque peu énigmatique car il renvoie à une situation politique dont nous ignorons les détails.
Il est consultable via Google.livres (p. 130-144).

« LE TAMBOUR

Dans un dernier numéro du « Journal amusant », je vis un tambour joufflu. Je le regardai et je reconnus en lui le porteur de la couronne prussienne. J’ignore si c’est le hasard ou la réflexion qui a dirigé le pinceau de mon frère (Lazare Wihl, peintre à Paris). Je dois dire qu’il a rendu admirablement les moindres attitudes de son modèle.

Des pieds jusqu’à la tête, on reconnaît le roi « par la grâce de Dieu ». Il n’y a que par la grâce de Dieu qu’on peut avoir un cerveau et des mollets si divins.

L’empereur Nicolas aimait beaucoup le tambour ; il en est de même du roi de Prusse. Mais je ne saurais dire lequel des deux ressemble le plus à un tambour-major.
Vive le bâton !

Tous les deux ont à la main un bâton qu’ils balancent avec art, et tous les deux portent sous leur habit un autre bâton avec lequel ils gouvernent.
Vive le bâton !

C’est la mode en Prusse et en Russie de porter le bâton au lieu du sceptre. C’est là qu’on inculque de bons sentiments aux citoyens, à l’aide de coups gracieux.
Vive le bâton !

Pourtant il y a en Prusse une espèce de progrès : le bâton n’y est pas pointu. Au contraire, il est gros en bas et courbé en haut, à l’instar de celui de Frédéric-le-Grand.
Vive le bâton !

C’est avec ce bâton de « progrès » que le roi vient de chasser ses députés, imitant Alexandre tranchant le nœud gordien. Pourquoi lui ont-ils dit la vérité ?
Vive le bâton !

Les députés voudraient couper en morceaux ce bâton de progrès : mais le roi en tient un autre sous son habit.
Vive le bâton !

On dit que le roi a des rêves pendant la nuit comme l’ancien roi d’Egypte ; et chaque fois qu’il s’éveille de ses rêves, il est épouvanté.

(Il chante : ) Fais nono, Allemagne, fais nono ; tes veilles me privent de mon repos. O Bismark, Bismark, berce-là. O mon sauveur, ô mon guide ici-bas !

Fais nono et ferme tes yeux, je ne puis supporter tes veilles. Quand pourrai-je enfin m’endormir ? Qui paiera mes dettes d’Etat ?

Je ne vois autour de moi que des vaches maigres ? où sont donc les sept autres ? Suis-je devenu un autre Pharaon ? Où sont donc les sept grasses ? »

Article rédigé par Laurent Bastard, merci :)

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