Centre de Recherche sur la Canne et le Bâton
Bibliothèque de ressources historiques, culturelles, artistiques, litteraires, sportives…sur la canne et le bâton, en France et dans le monde…
CANNE ET BATON ENIGMATIQUES


Les gens d’esprit aimaient bien autrefois les énigmes, devinettes, rébus, anagrammes, contrepèteries et autres logogriphes. La mode en est passée, sauf un peu en ce qui concerne les anagrammes et les contrepèteries. Des recueils entiers de ces devinettes multiformes parurent dès le XVIe siècle et les quotidiens des XIXe-XXe inséraient souvent en fin de page quelque rébus pour faire travailler les méninges de leurs lecteurs.

Mais, comme nous l’avons dit, l’exercice est ancien et Agnès UNTERBERGER nous a gentiment adressé les textes qu’elle a découvert sur le site Gallica de la BnF, ce dont nous la remercions.

Ils sont extraits du « Magasin énigmatique contenant un grand nombre d’énigmes ingénieuses choisies entre toutes celles qui ont paru depuis près d’un siècle », publié par Pons Augustin ALLETZ en 1767.
La première concerne le bâton (n° LXXI) :

« Mon usage s’étend du sceptre à la houlette.

L’homme, toujours ingrat, du pied jusqu’à la tête,

Se fait toujours un jeu de m’arracher la peau ;

On souffre tout, lecteur, pour paraître plus beau.
Je fais trembler sous moi, je commande à l’ouvrage

Un peuple infortuné, réduit à l’esclavage.
D’un voyageur prudent, je suis le compagnon,

Trop heureux au besoin de m’avoir pour second.
Par air ou par maintien, je sers à la jeunesse,

Mais par nécessité, très souvent la vieillesse

Emprunte mon secours. Chez le Mahométan,

Où chacun est esclave, où règne l’Alcoran,

D’un servile Bacha me prêtant au caprice,

Je rends la soi sensible et fais prompte justice.

Tel est mon sort : je suis dans un autre pays

L’instrument d’un outrage, et quelques fleurs de lys

De la gloire à l’affront faisant la différence,

De services rendus j’offre la récompense ;

Enfin, un élément, de quatre, me produit ;

Contre deux je résiste, et l’autre me détruit. »

C’est ingénieusement tourné pour exprimer les différentes fonctions du bâton, dont on pèle l’écorce avant de s’en servir. On retrouve vers à vers quelques-unes des rubriques de ce site : le bâton pour punir, le bâton du voyageur, le bâton accessoire vestimentaire, le bâton qui sert d’appui au vieillard, le bâton honorifique de maréchal. On appréciera les deux derniers vers : le bâton est issu de la Terre, l’un des quatre éléments des Anciens. Il résiste à l’Eau et au Vent. Il est brûlé par le Feu.

Voici à présent l’énigme de la canne (CCLXI) :

Je suis d’une taille mignonne ;

Fort souvent je parais sans aucun agrément ;

Parfois brillent sur moi de riches ornements,

Que mon maître me donne

Pour satisfaire à ses désirs.

Je partage avec lui sa peine et ses plaisirs ;

Je lui tiens, quand il sort, fidèle compagnie ;

Je me laisse mener avec docilité,

Partout où le conduit la raison, la manie.

De mes yeux je ne tire aucune utilité.
Ah ! je me trompe, je l’avoue :

S’ils ne m’éclairent pas,

Ils m’empêchent du moins de tomber dans la boue.

Enfin je n’ai qu’un pied, mais je suis pas à pas

Le plus léger coureur, et plus que moi, je gage

Il sera fatigué d’un pénible voyage. »

Là encore, quelle habilité pour évoquer le fût nu ou orné des cannes simples ou à décor, l’accessoire indispensable de l’élégant, les œilletons où l’on passe une dragonne pour empêcher la canne de quitter la main du marcheur…

Tout cela rappelle les nombreuses poésies dédiées à la canne et au bâton que nous avons reproduits sur ce site en rubrique « canne et bâton dans la littérature » : des poètes illustres comme Bérangers, d’autres anonymes ou oubliés, des compagnons du tour de France, ont abondamment versifié sur ces accessoires pourtant d’une grande simplicité, mais si utiles et symboliques.

L’image est un détail d’une gravure publiée dans « Le Monde illustré » du 9 mars 1861, ainsi légendée : « Départ de Constantinople de la caravane chargée de porter à la Mecque les présents destinés au temple de la Caaba. Passage du cortège sous la porte Baqtché-Capoussou. ». Le détail illustre les vers sur le bâton : « Chez le Mahométan, où chacun est esclave (…) Je rends la loi sensible et fais prompte justice. »

Article rédigé par Laurent Bastard et Agnès UNTERBERGER – merci :)

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